Le meunier.

A la limite
Des villages et des hameaux,
Le vieux meunier, comme un ermite,
S'exile et vit, la-haut,

Tranquille et doux, dans sa maison ailée
Il a surpris les démêlés
Qu'ont entre eux la pluie et le brouillard,
L'aube qui boude et le soleil blafard,

Les jours givrés d'hiver, les jours pourris d'automne,
Et ceux de l'été vert et monotone.
Le vieux meunier vit calme et lent,
En ses sabots de bouleau blanc ;

Son dos compact se bombe en voûte,
Mais son oreille est fine et l'on dirait
Que son regard, même distrait,
Toujours là-bas, du coté de la route,

Reste aux écoutes.
Le bon meunier reste là-haut,
Menant sa vie obscure et seule,
Près de ses meules ;

Il collabore au pain des bourgs et des hameaux ;
Il est couvert de cendre et de farine fine ;
Il apparaît aux crédules enfants,
Comme un grand Saint Nicolas blanc

Qui demeure près des nuages ;
Autour de son vieux front le ciel semble en voyage ;
Le poing noueux des ouragans l'étreint,
Mais rien ne le submerge.

Emile Verhaeren.